... parce-que l'un et l'autre sont un sujet inépuisable

mercredi 27 octobre 2010

Et le chocolat vert?

   En l'honneur du Salon du Chocolat qui se tiendra à Paris à partir de demain, 28 octobre jusqu'au 1er novembre 2010, à la Porte de Versailles, voici une saine petite lecture...
   

       Stupeur et tremblements de Amélie Nothomb, éditions Albin Michel p 163-167


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     Ce fut au tour de monsieur Omochi. J’étais morte de peur à l’idée de me retrouver seule avec lui dans son bureau. J’avais tort : le vice-président était d’excellente humeur.
Il me vit et s’exclama :
-         Amélie-san !
   Il le dit de cette façon nippone et formidable qui consiste à confirmer l’existence d’une personne en lançant son nom en l’air.
   Il avait parlé la bouche pleine. Rien qu’au son de sa voix, j’essayai de diagnostiquer la nature de cet aliment. Ce devait être pâteux, collant, le genre de chose dont il faut désengluer ses dents avec sa langue pendant de longues minutes. Pas assez adhérent au palais, cependant, pour être du caramel. Trop gras pour être du lacet de réglisse. Trop épais pour être du marshmallow. Mystère.
-         Nous approchons du terme de mon contrat et je voulais vous annoncer avec regret que je ne pourrai le reconduire.
   La friandise, posée sur ses genoux, m’était dissimulée par le bureau. Il en porta une nouvelle ration à sa bouche : les gros doigts me cachèrent cette cargaison qui fut engloutie sans que j’aie pu en apercevoir la couleur. J’en fus contrariée.
   L’obèse dut s’apercevoir de ma curiosité envers son alimentation car il déplaça le paquet qu’il jeta sous mes yeux. A ma grande surprise, je vis du chocolat vert pâle.
   Perplexe, je levai vers le vice-président un regard plein d’appréhension :
-         C’est du chocolat de la planète Mars ?
   Il se mit à hurler de rire. Il hoquetait convulsivement :
-         Kassei no chokorêto ! Kassei no chokorêto !
   C’est-à-dire : “Du chocolat de Mars ! Du chocolat de Mars ! »
   Je trouvais que c’était une manière étonnante d’accueillir ma démission. Et cette hilarité pleine de cholestérol me mettait très mal à l’aise. Elle enflait et je voyais le moment où une crise cardiaque le terrasserait sous mes yeux.
   Comment expliquerais-je cela aux autorités ? « J’étais venue lui donner ma démission. Ça l’a tué. » Aucun membre de la compagnie Yumimoto ne goberait pareille version : j’étais le genre d’employée dont le départ ne pouvait être qu’une excellente nouvelle.
   Quant à l’histoire de chocolat vert, personne n’y croirait. On ne meurt pas à cause d’une latte de chocolat, fût-elle de couleur de chlorophylle. La thèse de l’assassinat se révélerait beaucoup plus crédible. Ce ne seraient pas les mobiles qui m’auraient manqué.
   Bref, il fallait espérer que monsieur Omochi ne crevât pas, car j’eusse été la coupable idéale.
   Je m’apprêtais à lancer mon second couplet pour couper court à ce typhon de rire quand l’obèse précisa :
-         C’est du chocolat blanc au melon vert, une spécialité de Hokkaido. Exquis. Ils ont reconstitué à la perfection le goût du melon japonais. Tenez, essayez.
-         Non, merci.
   J’aimais le melon nippon, mais l’idée de cette saveur mêlée à celle du chocolat blanc me répugnait réellement.
   Pour d’obscures raisons, mon refus irrita le vice-président. Il renouvela son ordre à la forme polie :
-         Meshiagatte kudasai.
   C’est-à-dire : « S’il vous plaît, faites-moi la faveur de manger. »
   Je refusai.
   Il commença à dévaler les niveaux de langue :
-         Tabete
   C’est-à-dire « Mangez. »
   Je refusai.
   Il cria :
-         Taberu !
   C’est-à-dire : « Bouffe ! »
   Je refusai.
   Il explosa de colère :
-         Dites donc, aussi longtemps que votre contrat n’est pas terminé, vous devez m’obéir !
-         Qu’est-ce que cela peut vous faire, que j’en mange ou non ?
-         Insolente ! Vous n’avez pas à me poser de questions ! Vous devez exécuter mes ordres.
-         Qu’est-ce que je risque, si je n’obtempère pas ? D’être fichue à la porte ? Cela m’arrangerait.
   L’instant d’après, je me rendis compte que j’étais allée trop loin. Il suffisait de voir l’expression de monsieur Omochi pour comprendre que les bonnes relations belgo-japonaises étaient en train d’en prendre un coup.
   Son infarctus paraissait imminent. J’allai à Canossa :
-         Veuillez m’excuser.
   Il retrouva assez de souffle pour rugir :
-         Bouffe !
   C’était mon châtiment. Qui eût pu croire que manger du chocolat vert constituerait un acte de politique internationale ?



source

   Je découvre à l'instant qu'il existe au Japon du Kit Kat vert, non pas au melon, mais au thé vert! Vous pouvez voir ici d'autres parfums qui sont totalement introuvables en France : 

http://www.miamz.fr/insolite/la-folie-kit-kat-la-quete-du-gout-ultime-146/

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